L’annonce par le Président de la République de la nomination de Michel Barnier comme Premier Ministre est une bonne nouvelle pour la France et pour l’Europe.
Ayant eu l’honneur de le rencontrer comme Commissaire Européen ainsi qu’aux moments les plus difficiles du Brexit, période au cours de laquelle j’ai parfois joué le rôle de messager entre les deux côtés de la Manche, j’ai eu l’occasion de voir plusieurs aspects de sa personnalité qui sont indispensables à la fonction qu’il occupe.
L’homme est taillé sur mesure pour affronter les défis qui attendent la France et l’Europe, si toutefois les partis politiques parviennent à renoncer aux manœuvres politiciennes qui ont dominé particulièrement les dernières semaines, suite à la mise en joue du pays par son propre président.
L’intégrité
Michel Barnier est un homme de conviction : même s’il est un fin négociateur, il garde le cap des valeurs qui lui sont propres. C’est cette intégrité qui lui a valu le respect de ses partisans et de ses adversaires.
Les Britanniques, souvent arrogants et duplices, ont cru qu’ils allaient parvenir à lui faire accepter un compromis sur les principes du marché intérieur dont il avait été le Commissaire Européen. Ils étaient convaincus que l’Union était disposée à accepter des exceptions et que dans le cas contraire, les Etats Membres pourraient être divisés. Là où le Royaume Uni a « usé » quatre négociateurs, la présence de Michel Barnier comme seule et unique contrepartie européenne a rendu cette tactique inefficace.
Un chef d’équipe
Est-ce sa formation de montagnard, qui ne peut atteindre les sommets qu’avec le soutien de la cordée, qui explique l’extraordinaire ascendant qu’il a eu sur ses équipes au cours de sa carrière politique?
La manière dont il a mené ses équipes augure de son leadership: ne nous y trompons pas. Michel Barnier est un homme poli, mais ceux et celles qui ont travaillé pour lui avaient un vrai chef d’équipe, qui attendait autant d’eux que ce qu’il leur donnait.
Un gaulliste sans idéologie
C’est dans la famille gaulliste que Michel Barnier a fait ses premiers pas, et le parti auquel il appartient, Les Républicains, est le successeur de ce mouvement politique. Cela le classe automatiquement comme un homme de droite, mais ce n’est pas une idéologie qui dominera sa politique et ses actions.
Au vu de la réaction de la gauche, furieuse d’avoir été écartée, aucune illusion n’existe: le Nouveau Front Populaire présentera une opposition brutale. Mais le Premier Ministre ne cherchera pas à polémiquer : il a déjà annoncé qu’il supportait mal les « vociférations ».
Un Européen lucide
« Qui aime bien châtie bien »
La passion européenne de Michel Barnier ne sera pas romantique : pour réussir le défi du Brexit, il s’est rendu une fois par semaine dans les diverses capitales européenne pour rencontrer non seulement les politiciens, mais aussi les syndicats et les représentants de la société civile.
Je ne crois pas qu’il y ait un seul homme politique européen qui ait à la fois un réseau de connections et une connaissance aussi vastes que les siens.
Pour ceux et celles qui en doutent, j’avais déjà attiré l’attention de mes lecteurs dans mon blog d’aout 2021[1] sur le journal qu’il avait tenu durant les négociations et dont la substantifique moelle figure dans son livre « La grande illusion journal secret du Brexit ». Ce sont ses notes de ces années, pas un testament. [2]
L’environnement le passionne
S’il est un domaine qui passionne Michel Barnier, c’est bien l’environnement.
Public Sénat pose la question : un écologiste à Matignon ? Ce serait un contraste par rapport au climato-sceptique de l’Elysée, plus tenté de favoriser Total que de défendre l’environnement.
Renforcement de la protection de l’environnement, introduction du principe de pollueur-payeur, réduction de l’utilisation des pesticides… Michel Barnier a laissé un héritage marquant de son passage aux ministères de l’Environnement, puis de l’Agriculture. Mais aujourd’hui, les associations écologistes observent avec prudence, voire scepticisme, sa nomination à Matignon.[3]
Un homme de faits et de dossiers
Comme il l’a dit dès le premier jour, Michel Barnier a été clair et précis : il préfère agir et n’hésitera pas à dire la vérité. Cela ne veut pas dire qu’il va parler constamment aux medias. Il dira la vérité sur la dette financière et écologique.
On reste stupéfait de l’ignorance des Britanniques : lorsqu’il entrait en réunion avec les dossiers de l’ordre du jour, ceux-ci avaient souvent les mains vides. Ils ont voulu une discussion politique, sans connaitre vraiment les règles de l’Europe et les limites de l’épure pour celle-ci. Michel Barnier s’en est tenu aux faits et aux règles de l’Europe. Le Royaume Uni continue de payer le prix de leur politisation.
Ce ne sont pas les slogans qui le guideront.
Tout cela est bien loin de la logomachie à laquelle les dernières semaines nous ont habitués. Il faut dire que les défis ont accru et qu’il faudra « beaucoup d’écoute et de respect à l’égard du Parlement et de toutes les forces politiques qui y seront représentées. »
Y a-t-il assez de sens de l’Etat dans les rangs du Parlement pour permettre ce parcours qui sera incontestablement semé d’embuches ?
[1] https://www.lemonde.fr/blog/finance/tag/michel-barnier/
[2]https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hors-serie-Connaissance/La-grande-illusion#
[3] https://www.publicsenat.fr/actualites/environnement/michel-barnier-premier-ministre-un-ecologiste-a-matignon